PYRÉNÉES, CHEMINS DE TRAVERSE
Nota |
QUI est ce pic, ce col, ce couloir, cette brèche ... ? |
Répertoire |
La toponymie des montagnes pyrénéennes est essentiellement orographique et ancestralement pastorale, nos ancêtres pasteurs nommaient plus leur montagne utile, lieux de pacage, de passage et de chasse, que les sommets. Si ce n'est celui de son aspect, le nom d'un sommet, pouvant parfois différer selon les versants, est bien souvent issu du nom d'un lieu qu'il domine. [1]
Il a parfois été baptisé voire rebaptisé d'un anthroponyme avec une certaine forme d'appropriation, certes compréhensible à l'époque des explorateurs, découvreurs et ouvreurs mais nettement moins justifiée plus récemment. J'ai essayé de relater brièvement mais le plus justement possible (références à l'appui bien évidemment) les raisons et les circonstances de ces "baptêmes".
Coté français, les procès-verbaux de délimitation des communes et les plans cadastraux (issus de la loi du 15 septembre 1807) donnent de précieuses informations sur la toponymie locale (plus ou moins francisée) trop souvent ignorées des cartographes et Pyrénéistes.
Ce répertoire proche de trois cents anthropotoponymes que je ne prétends ni exhaustif, ni parfait, ni définitif, traite des lieux de montagne sur les deux versants de la chaîne pyrénéenne ayant reçu le nom d'une personne ou y faisant allusion, guides parfois, pyrénéiste dans la majorité des cas, leur biographie n'y étant cependant pas développée. Il est limité aux points particuliers du relief (donc exempt des "Voie Untel"). J'y ai intégré quelques noms éphémères, inusités ou peu connus ainsi que quelques vrais-faux anthropotoponymes.
Lors de mes recherches, j'ai pu découvrir que contrairement à ce qui est couramment écrit, la dame du Vignemale Lady Lister écrivait son prénom Anne et non pas Ann, que l'énigmatique F.E.L. Swan se prénommait Francis Edward Lister, que le guide cauterésien Pierre Layré dit Casse s'appelait Jean-Pierre Layré-Cassou, et que l'autrichien Brunhuber se prénommait Sepp et non pas Karl. [2]
La Commission de Topographie et de Toponymie Pyrénéenne, créée en 1907 par la Fédération franco-espagnole des Sociétés Pyrénéistes, a adopté le 12 mars 1922 la résolution suivante :
"La nomenclature de nos montagnes doit être de source géographique, autant que possible désignative et descriptive ... Les noms de personnes ne seront attribués qu'à des éléments géographiques secondaires mais pas à des sommets ou passages d'une certaine importance ... Il ne sera donné aucun nom de personne vivante à des accidents de montagne (pics, cols, etc.) à moins qu'elle n'en ait fait la première ascension et si ce point n'a pas ou n'a pas eu de dénomination."
Etaient entre autre membres de cette commission : Jean Arlaud, Emile Belloc, Louis Le Bondidier, Louis Camboué, Georges Ledormeur, Alphonse Meillon, Aymar d'Arlot de Saint-Saud, Franz Schrader. [3]
Ce principe a parfois été méconnu ou oublié, voire contesté notamment pour la liste (elle même contestée) des "3000" établie par Juan Buyse [4] à partir de 1988, présentée à l' UIAA et officialisée par cette dernière en 1995 [5].
Juan Buyse avait constitué une "Equipe des trois mille" avec des pyrénéistes espagnols et français. Son attitude et les divergences, concernant notamment la dénomination de certaines cimes, entraîneront dès 1988 la désagrégation du groupe. L'obstination de Juan Buyse a vouloir attribuer, comme on distribue des médailles, des noms de pyrénéistes parfois encore vivants, aussi éminents soient-ils, à des sommets sans relation historique directe, quitte à les "débaptiser" de leur toponyme, a été une erreur. La prise en compte de la toponymie locale auraient pu éviter de bien tristes querelles, la fameuse "topolémica".
A ce propos, Louis Audoubert et Robert Ollivier, de même que les frères jumeaux Jean et Pierre Ravier ont nettement désapprouvé que leur nom soit attribué à un sommet. Leurs décisions, méritant le plus grand des respect, ont malheureusement été négligées. [6]
Mais depuis peu ...
“El proyecto tresmiles”, "le projet Trois Mille" (2016-2017) à l'iniative du gouvernement d'Aragon rebaptise environ 160 "3000" y compris sur sa frontière avec la France qui n'a manifestement pas été consultée.
Si ce projet aboutit, les sommets de 3000 m et plus seront rebaptisés sur les cartes et publications officielles d'Aragon. Les noms de Arlaud, Beraldi, Le Bondidier, Brulle, Cordier, Margalide, Ramond, Russell, Schrader pour ne citer qu'eux devraient disparaître au profit d'un toponyme aragonais. Argarot, Astorg, Cadier, Franqueville, Haurillon, Tchihatchef, d'Ussel devraient être maintenus. Pourquoi les uns et pas les autres ?
Qu'en sera-t-il ? Les avis sont déjà partagés sur cette nouvelle "Liste Soro" issue d'une volonté politique et régionaliste de réappropriation. Depuis la justice d'Aragon a suggéré au gouvernement d'Aragon d'opter pour un double nom en conservant l'ancien.
Nous verrons avec le temps et surtout avec l'usage. A suivre de près ! [7]
Pour ce travail de synthèse, je me suis attaché à une (re)lecture systématique de quelques textes essentiels que j'ai eu le bonheur de me procurer ou emprunter, je reste cependant persuadé que d'autres textes tout aussi importants m'ont échappé. J'ai tenté tant que faire se peut de consulter les écrits les plus anciens, cherché à croiser les informations, me suis interdit toute extrapolation et ne me suis servi d'Internet que pour m'aider dans les recherches. Ceci m'a permis d'y constater (tant pour l'histoire que pour la toponymie) de nombreuses informations sans références, des affirmations prêtant à confusion voire erronées et des "copier-coller" sans précautions, ni scrupules, ni vérifications. Trop souvent et malheureusement, ce sont les erreurs répandues dans la nébuleuse de l'Internet (y compris sur une prétendue encyclopédie aux contributeurs anonymes) qui finissent par prévaloir.
J'ai cependant considéré comme source crédible le site "Les Chasse-fantômes" compte-tenu de sa qualité documentaire exceptionnelle, la page du site est alors indiquée en référence avec son lien. [8]
En ce qui concerne les ascension qualifiées de "Première", il y a lieu d'éviter toute affirmation. A l'instar de cette rencontre en 1935 racontée par le guide François Boyrie "avec deux bergers espagnols chaussés de sabots au sommet de la Pique Longue. Leurs chèvres ayant délaissé les pacages habituels du versant sud du Vignemale, c'est au sommet du Pic du Cerbillona qu'ils devaient retouver le troupeau. A la fois curieux et attirés par le point culminant qui se dresse à l'est, ils suivirent l'arête jusqu'à la Pique Longue, les chèvres leur emboîtant le pas." ou Comme l'a écrit Marcel Bourdil sous forme de boutade, "les premiers après quinze cent vingt et un isards qui étaient passé avant eux et trois cent trente trois chasseurs dont l'histoire a oublié de nous conserver les noms". [9]
Janvier 2013 / - Gérard Cayez
Renvois et Références